Il fut un temps où je ne savais

 RIEN que ma vie.  pas de tv, pas de radio, aucun journaux. Le jour ou le chanteur pour qui j'écrivais me demanda de lui faire un texte sur une Palestinienne qui avait perdu son mari sous le joug d' Israël, je ne savais même pas de quoi il parlait, ni mieux où se trouvait Israël et la Palestine et encore moins ce qui s'y tramait. Mon intelligence s'était comme arrêtée à ma petite vie difficile il est vrai quoique, il aurait suffit que je me la facilite. Mon compagnon ou plutôt mon proche de l'époque quant à lui, " een beetje" plus curieux et certes plus cultivé que la petite innocente que j'étais m'expliqua sommairement les dissensions entre Israëliens et Palestiniens. Un amis lui me parla en termes favorisant la Palestine, me rappela la guerre 40/45. Ok, ok. La nébulosité de mon esprit à ce stade, transforma le texte en une brave Palestinienne ayant perdu son mari de manière injuste et quand je dis Palestinienne, mon inspiration se suffit de la perte d'un compagnon pour n'importe quelle femme amoureuse. Ma simplification douteuse ne perça guère, le texte était sensible, la voix, la musique et l'interprétation qu'en fit mon chanteur (que je me bornerai à appeler mon chanteur même si dans son métier, il fut bien davantage.) fit le reste. 


Cette méconnaissance des actualités s'approfondit quand il décida que somme toute non, il n'interpréterait pas cette chanson avec ce texte,  que c'était dangereux et qu'il ne voulait pas d'un attentat sous un chapiteau ou ailleurs lors d'un de ses concerts.. J'écarquillai naïvement les yeux.. Houla, j'avais donc écrit une bombe? Certes c'est imagé et j'aurais encore envie de dire lol, tant je me souviens de l'émotion que je ressentis à l'idée de perdre cet être merveilleux que j'avais là en face de moi et qui à cette époque était le plus cher des chers proches. En fait j'étais en voie de séparation, inquiète pour les animaux que je détenais dont un petit singe qui n'aimait que les hommes. Bon sang quelle idée monstrueuse j'avais eu là, mais je reviendrai sur la détention de certains animaux pour ne pas dire des animaux tout court.


En parlant d'aimer ,mon "palestinienne" devint T'Aimer. Texte grandiose du plus grand des plus grands amour qui dure plus loin que l'éternité, qui va à l'infini du dernier jours. Bref, un Amour taille mille XXXXL.  Cet aveu à la personne la plus chère à ma vie de l'instant (oui, par rapport à l'éternité infinie, d'un coup, instant devient réducteur, juste Auguste, mais n'est ce pas la vie de sublimer dans l'instant ce qui nous fera les plus jolis souvenirs? ) je lui fit chanter avec adoration. Adoration de ma part, il n'éprouvait certes pas les mêmes sentiments envers moi. Je lui écrivais de superbes lettres d'amours, que sa femme lisait aussi. Clairement, mes sentiments n'incluaient aucune tromperie et m'aidait à lui écrire de belles choses. Je le connaissais presque par coeur, quand j'écrivais je devenais lui et quoi de plus normal de m'aimer en lui ? ou de l'aimer en moi. Je ne sais plus. Je philosophais pas mal sur cet amour chaste dont la puissance énergétique me propulsait dans de superbes textes. Non je ne me flatte pas, nous avons lui et moi fait du bon travail et fait rêver pas mal de gens. 


Il y a peu, je trouvais mon raisonnement aussi moyen qu'inutile pour la société. j'aurais même  transformé l'humanité en un Che Guevara mondial. Je reprochais la superficialité aussi bien des individus que de la collectivité. Qu'était ce que ces gens se précipitant, se privant d'argent pour aller regarder un humain avec ce ciel étoilé en guise de regard. Pff, comme je me sentais soudain loin d'eux (c'est encore le cas, juste pour des motifs différents). Il y a peu, j'oubliai combien j'avais été heureuse dans mon insouciance, mon ignorance du monde. 


J'habitais une maisonnette délabrée sans salle de bain avec une fosse d'aisance qui quant elle s'emplissait de pluie, rentrait dans la pièce où je dormais. La véritable chambre était impossible d'humidité. Installée sur la cave,  les pavés rouges poreux luisaient aux premières gouttes d'eau, le coussin du chien à même le sol était à tordre chaque matin.Je l'avais donc  délaissée pour cette petite arrière pièce bétonnée. La trappe conduisant à un grenier ouvert à tous les vents (un peu comme un fenil sans porte) se situait au dessus de ma tête de lit et les soir de grands vents, mes cheveux volaient pendant que je dormais. Parfois, je me cachais sous la couverture. Les couettes n'étaient pas à l'ordre du jour.  Comme je le disais parfois, je m'éveillais avec une odeur d'urine ou pire. l'eau atteignait le dessous du lit, j'embarquai alors mon matelas, le traînant, tirant poussant jusqu'au living (euh.. on va dire ça)  et pouf, je dormais là, suivie de chiens et chats lesquels chats disparurent un à un tués par les chasseurs du bois proches. Je ne les maudirai jamais assez pour le mal qu'il font. Jamais je n'aurais voulu quitter cette maison si ce n'est un événement qui m'attrista autant qu'il me réjouit. De chez moi, je voyais la maison du chanteur. Je voyais la lumière dans son studio et si il ne venait me chercher, il m'arrivait de descendre , mes textes sous le bras pour quelques heures de travail. Mais voila, les meilleures choses ont une fin, mon chanteur fut appelé à aller vivre au Québec. Il me fit de belles promesses.. j'irai les voir, il m'aiderait en ce sens.. je devais prévoir des pulls bien chauds etc etc. Une façon comme une autre de me réconforter. 


Ma vie se partageait entre lui, le home pour personnes âgées pas loin et mes animaux. Parfois une visite de mon ex. Bien entendu , tout n'était pas fleuve tranquille, moulte problèmes, tant avec une voisine qui ne m'aimait pas mais faisait semblant pour que je ferme les yeux sur ce que je pouvais voir d'une certaine voiture s'arrêtant devant chez elle dès le départ de son mari pour le boulot. Je n'en dirai pas plus. La pimpante et orgueilleuse personne s'est transformée avec le temps en une malheureuse femme racrapotée au cheveux filasse et menton en galoche. Pauvre d'elle qui somme toute pas très fute-fute Encore un miroir cassé. Je ne voyais les gens que par le prisme de cet amour universel dont j'étais empreinte. Mon crédo était: dite du mal de moi et aimez moi quand même. AAAh l'Amour.. la prière (oui aussi), le sweet love mielleux me baignait dans un univers de froid, d'humidité et de malveillance tant de ma proprio que de la voisine. 


Par ailleurs, il y avait ce couple de petits vieux, du moins me paraissaient ils vieux. La soixantaine de cette époque n'a rien à voir avec la mienne. La dame, handicapée par la polio, parkinson et autres joyeusetés comme obésité morbide et éventration h mais qui me faisait un ourlet pour transformer une jupe longue sans attrait en une mini jupe sexy. Moi qui ne savait rien mais rien du sexy. Avec quelle patience  elle écoutait  mes  déboires sentimentaux désespérés ou désespérants tout autant que mes versions romantiques et parfois humoristiques.  On peut dire qu'elle vivait par procuration. Lui, c'était le folklore permanent, amoureux des jolies femmes, il allait faire la vaisselle de l'autre voisine, à moi, il apportait des tranches de pains au camembert quand je travaillais, manteau sur le dos, assise sur un radiateur à bain d'huile dont je n'ai jamais payé la facture de consommation. Je n'étais pas encore végétalienne mais végétarienne depuis des années. mon petits couples ne comprenaient pas tout mais respectaient. C'est par eux que j'apprenais les crashes d'avion ou les tremblements de terre moins fréquents qu'aujourd'hui, quoiqu'ils ne me parlaient peut être pas de tous.J'allais chez eux parfois tenir compagnie à Elle, mamy de substitution chère à mon coeur. Nous adorions le catch, pas pour l'écran mais pour suivre les commentaires du vieux. Tue le m'n'homme, vas y.. on se regardaient elle et moi , complices, et on faisait exprès de prendre parti pour celui qui devait être "tué". Style: ah non , il est beau, l'autre est trop moche. La casquette de travers, la bouche édentée mâchouillant quelques résidus de tabac sans doute, il s'en allait vers la chambre, la main morte pendouillant  au bout d'un bras ballôtant qu'il soutenait de l'autre main encore vaillante, vestige d'une thrombose, mal soignée, mal guérie. Il maugréait quelques insultes supplémentaires et maudissait ces biesses de "feums". On coupait la télé et on riait encore elle et moi. Puis je m'en retournai à deux maison de là, retrouver la bonne odeur de chez moi, parce que oui, chez eux, l'hygiène difficile vaporisait des particules malodorantes de pipi, caca, auxquelles par affection et amour, je m'étais imposée de m'habituerJ e  regardai une dernière fois si le chanteur était encore au studio, lui souhaitais à lui et sa famille une bonne nuit. Encore une belle soirée de tendre, de rire, parce que le matin revenu, le vieux, passerait tout sourire devant chez moi, je le contrarierais encore quand il me parlerait de l'autre voisine si belle, de lui qui aimait les belles femmes et de la sienne qui ne lui était plus rien... à ses dires. Je lui rappellerais que moi je l'aimais cette femme, cette super belle personne. Je ne lui dirais pas que je tenais à lui, non, car dans ces cas, sa main valide s'agitait dans sa poche de pantalon. Tic? réflexe? ou... je n'en saurai jamais rien, juste que ce mouvement me mettait mal à l'aise et j'évitais de regarder. La nuit serait belles comme toutes les autres. 


Je n'aurai d'autres informations à cette époque. Mon lecteur de cassette donnée pour le boulot par le chanteur, ne me "musiquerait" que les sons créé par le chanteur afin que j'y mette ses mots. Bernard Estardy ferait les arrangements... 


Je me cassais la tête pour trouver LE big tube. Il y en eu mais pas ici. Nul n'est prophète en son pays, c'est tellement vrai. Des gens passaient devant chez moi, allaient se balader dans le bois proche. Des voitures aussi, parfois des ambulances, auquel cas, je rempilais mes feuilles, rassemblais les animaux derrière la porte close et m'encourrais prestement vers le château/home. Qui? qui allait mourir? je les connaissais tous, j'allais souvent leur tenir compagnie. 


Là était toute mon actualité. ma rue prolongée, les petits vieux du home, les chats abandonnés dans la ruelle, les allers/retours de ma pin-up de voisine sans oublier la gentillesse des voisins juste à côté qui ne venaient que pour des vacances ou des week end. Des gens adorables, qui ont compris mes larmes quand j'ai remis mon petit singe à la SPA pour qu'elle soit acheminée vers un centre de revalidation dont il avait été fait mention dans l'émission le jardin extraordinaire. Wildpeace, adieu Toutoune, Jet jethro, Tchouyouyou et tout ces petit noms dont je t'affublais pour te faire rire. J'ai hurlé, tu étais comme mon seul enfant en vie. Je n'oublierai jamais que dans ton départ, j'ai puisé ma force. Si j'avais pu, réussi à te laisser partir, je pourrais tout dans ma vie. Tout vivre, affronter, dépasser.  


Nous avons tous notre Tchouyouyou, cet événement qu'on croyait insurmontable mais dont au fil du temps nous avons appris l'apaisement, le dépassement. Ce tchouyouyou, n'en négligeons surtout pas l'infinie grandeur de ce que nous sommes tout en l'ayant oublié au fil du temps. Tout un chacun peut le retrouver quand il en a besoin. Il suffit d'y penser. Un jour, on ne pleure plus, ou alors juste un peu comme une larme qui stagne au creux de l'oeil sans chercher à s'échapper.


Donc je n'avais qu'un monde: le mien. J'ai usé ce monde jusqu'à la trame pour pouvoir écrire.Jusqu'à ce que, je déménage dans une Cité de logements sociaux dans une crise de nerfs magistrale, qu'un copain ne parvint à endiguer qu'en appelant le vieux qui vint dans sa vieille guimbarde me chercher et me ramena à la vieille. J'ai vidé mon sac dans la tendresse bénie de cette femme. Lui ai dit que non, je ne m'y ferait pas, qu'il n'y avait pas d'extérieur pour mes chiens (je leur ai demandé pardon de ne pas avoir payé mon loyer sur des motifs valables certes, mais les bons motifs ne sont pas toujours à faire valoir quand il y a plus à perdre qu'à gagner) j'ai expliqué le bruit, les marchands de ferrailles qui tonitruent depuis leurs camionnettes par dizaines, les jeunes et leurs radios hurlantes, leurs cris, hurlements, bagarres juste à côté de l'appartement qui m'avait été alloué. J'ai raconté, l'odeur du tuyau à mazout qui avait fuité partout dans le living, j'ai décrit ces curieuses personnes qui habitaient l'immeuble, la bruxelloise qui balayait l'herbe dans les haies, qui passait sans gêne derrière ma fenêtre de la pièce à vivre. Je me suis étendue sur l'alcoolique voisin qui rentrait à toutes les heures en titubant et agitait sa clef sans trouver la serrure. De ce vieux papa bizarre qui vivait avec lui et regardait mes mouvements depuis sa porte fenêtre. Ensuite j'ai libéré le flot de problèmes qui m'attendait à avoir mon ex dans l'appartement du dessus. 


J'ai tant et tant pleuré que leur impuissance les marqua. Pour une fois, c'est moi qui leur apportais les nouvelles de l'autre monde. J'ignorais encore que des "autres monde, il en existait des tas oui des tas.. empilés les uns sur les autres, imbriqués, pour ressembler à un seul. Mais un seul monde n'existe pas. 


Rien ne serait plus comme avant. J'étais retournée d'ou je venais: dans la société ou une société, un genre de société et je n'en voulais pas. Papa et maman son venus. Pour une fois, ils ont répondu à ma détresse. Enfin non, je suis injuste là. Ils ont toujours fait de leur mieux juste que ce n'était pas mon idée de mon mieux et dans les faits, ce fut l'occasion de grandes souffrances. Comme quand annonçant au téléphone , toute heureuse, que j'attendais un enfant et que ma mère explosa dans un désespoir à peine dissimulé d'un "oooh nooooon" qui me cloua sur place. Longtemps plus tard.. je lui ai téléphoné exprès pour lui dire: tu peux te réjouir, il est mort et j'ai raccroché. Ils ne sont pas venus pourtant quand je demandais du bois pour me chauffer un peu, ils venaient. 


Tout ça tout ça. J'ai depuis voyagé dans la cité. d'appartement à maison pour cause de remariage, de maison à appartement pour cause de redivorce c'est sans importance aucune. Je ne vivrai sans doute jamais là ou je le souhaitais: près de l'eau,ni là ou j'aurais exploité mon amour pour les animaux, là ou les orangs outans meurent dans les pires souffrances pour du chocolat à tartiner ou d'autres choses. J'aurais tant aimé aller aider à soigner les rares rescapés. Je ne soigne que des chats abandonnés. Mais quand même, oui il faut que je le dise, au fil du temps et des chiens, j'ai créé ce qu'on appelle clôture, petit périmètre au départ, prélevé sur le grand terrain derrière et donc papa et maman sont venus. Maman commençait sa maladie mais nous ne le savions pas encore. Nous avons ri et elle a fait pipi sur le trottoir de rire. Papa l'a grondée. On ne savait pas encore que 22 ans de neurovégétativité attendait cette maman qui riait encore pour des blagues de kk prout. Ce jour là papa a fait la première clôture avec de gros piquets. La bruxelloise depuis sa porte fenêtre a rouspété, elle devait pouvoir aller à sa remise. J'ai dit oui.. papa a fait une barrière pour qu'elle puisse passer. La société de logements a tout fait pour que j'enlève cette clôture. Un ex et moi avons été créatifs. nous avons fait clôture démontable en qq minutes.. panneaux de grillage attaché dans la haie et dans les murs.. un jeu de chats et souris a commencé. Depuis, tous les terrains sont entièrement grillagés par le soin des locataires de rez de chaussée. Tous les grillages récupérés un peu partout dans la cité et rarement achetés ont servis à cette réquisition générale des terrains inutiles à la base.. Des barrières ont été installées afin que les personnes étrangères à l'immeuble ne se retrouve plus fumant du shit ou buvant de l'alcool, dans nos remises. Tout est encore à défendre. De l'arbre qu'on plante au potager qu'on décide de faire.. des herbes qu'on refuse de laisser tondre et dont on prend la charge sans en rendre compte au 20 cm de haie en hauteur supplémentaires qu'on voudrait mais qui nous sont refusés par la loi . communale. Chaque chose en son temps. Ce n'est pas vraiment grave mais très important pour le devenir de nos enfants. Reprendre notre liberté d'action et de décision pour rendre la nature moi fabriquée, moins sophistiquée. Rendre la nature à la faune, à la  hauteur de humanité dans ce qu'elle peut avoir de meilleur. Il ne s'agit nullement de perte mais de rendre. Changer de paradigme. Refusons de ne pouvoir agir sur ce qui est vital autant que nécessaire, sur ordre.


Je sens que ce chapitre n'est pas terminé. Il y tant à dire, à partager. 


Je finirai par ceci pour le moment: je ne veux plus me battre contre, je l'ai assez fait, m'épuisant en vain, je veux non me battre mais agir pour... tout ce qui en a besoin. 













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